Florentine Rey

DU BOUT DES CILS

 

 

tu t’émerveilles dans un jeu solitaire ta voix au-delà des ombres le vent est une sorcière son air royal agite des franges poivre et sel montent des tourbillons de sens

 

la terre n’est plus une passion noyée trop tôt la lune posée dans tes yeux des boulevards de nuit noire l’orgueil empoisonne le futur rappelle un coma encore un jour en flamme pour rien

peut-on couper la fièvre d’un jour comme on coupe le feu poser les mains sur nos yeux boueux faire jaillir des fontaines du corps ?

 

à grande vitesse sans cesse aux bords des autres on se rencontre en surface le dos cassé sur l’échelle de Darwin manque un barreau un pli du temps à la rescousse l’habituel remplissage

 

ne pas se laisser mordre ni trembler l’oxygène vient des mots te renvoie dans ce lieu jamais visité la ferveur se répand tu cherches un éventail pour les fleurs et les animaux

 

sur les poutres au plafond des trains de nuit déraillent par automatisme tes rêves barrières empêchent ta chute en hâte tu rappelles crinières fougères dans ta vie fatiguée ton corps fatigué accroche un vent du bout des cils

 

 

Texte écrit en résidence au grand Sault et publié dans l’Anthologie Là où dansent les éphémères, éditions Le castor astral 2022

CORIACES

 

On a confié la tâche de vivre ensemble à d’autres plus savants soi-disant dans l’attente de nouvelles perspectives on s’accroche aux arbres le cœur cale on secoue au fond du creux s’enclenche une vitesse on force dehors la stratégie le noir face à face désormais affrontable contournable une lueur à portée à peine tamisée on évite les crocs au passage à travers on remonte à la première personne librement genou à terre on caresse les contours griffures légères l’animal sourit chaque jour on recommence petit une minute de lumière contre la misère des heures à faire du rien contre les mirages l’éphémère ordonné par un seul à présent tous ou rien

 

 

Inédit