Martine Lafon

Le chêne et les sons

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Les chênes et leur écorce sont très propices à la lecture. Quand ils sont au moins centenaires ils s’élancent vers le ciel pour mieux porter la voix vers le haut laissant ainsi à l’auditoire groupé au pied de l’arbre la parole basse et sourde des lecteurs. Le chêne veut que la clameur s’adresse aux oiseaux. Ils chanteront plus tard tels les bouvreuils du baron Hoffmann la poésie que leur auront appris les ainés. La toponymie a plutôt nommé le chêne gros que grand. Enfants nous allions chercher des champignons au Gros Chêne. Nous traversions la Loire et c’était au-delà du Coteau. Ici juste derrière le Ventoux, il me semble qu’on a dit : « allons au gros chêne » en y entraînant le percussionniste, les lectrices et ceux qui allaient écouter. La voix claire des deux filles fendait le bruissement du vent et des feuilles. Captivée par le texte et les percussions je ne pensais nullement à la qualité sonore qui pouvait s’amplifier là-haut. Ce n’est que plus tard en y réfléchissant que j’imaginais le rôle des branches diffusant le vacarme qui agitait les oiseaux, leurs plumes et les feuilles. Car le chêne était blanc aux feuilles lancéolées comme un outil musical, vibratoire, que le son venait heurter. […]

Martine LAFON, extrait écrit au Grand Sault, janvier 2022